On appelle « bruxisme », le grincement ou le serrement intempestif des dents, c’est à dire celui qui s’observe en dehors des périodes de mastication ou de déglutition, durant lesquelles les dents se touchent naturellement. 20 à 40 % des adultes seraient concernés. Il est la principale « manifestation du stress sur les dents »
Ce trouble atteint autant les enfants que les adultes.
Ses formes sont multiples : diurne ou nocturne, grincement avec bruit ou serrement de dents plus ou moins silencieux. Au cours de la journée, le bruxisme ne pose pas de réels problèmes, car il est soumis à notre volonté qui permet la décrispation des mâchoires, limitant ainsi la pression des dents entre elles.
La nuit, en revanche, l’absence de contrôle augmente très nettement cette tension, entraînant de violents chocs et/ou des frottements dentaires. En une nuit, un « bruxomane » peut frotter ses dents pendant 6 à 8 minutes, ce qui, à la longue, provoque des conséquences plus ou moins graves : - usure de l’émail, - usure de la dentine (couche d’ivoire sous jacente), - sensibilisation de la dent aux changements de température et aux aliments acides, - atteinte du nerf, - fracture de la dent.
Diagnostic: Le bruxisme requiert des compétences pluridisciplinaires. C’est un véritable travail d’équipe entre chirurgiens-dentistes et thérapeutes comportementalistes qui doit s’instaurer, notamment chez les jeunes adolescents.
Les approches diagnostiques et thérapeutiques doivent être minutieuses et incorporer une large analyse clinique prenant en compte les aspects psycho-comportementaux. L’examen permet d’identifier des contractions rythmées au niveau des masséters, une hypertrophie de ces zones, signe d’hyperactivité. Le diagnostic clinique du bruxisme consiste pour sa part en l’observation de l’usure dentaire (perte de relief occlusal, fractures spontanées, modifications esthétiques). Il est parfois complété par l’avis du laboratoire spécialisé dans le sommeil qui permet de bien définir le type de bruxisme et son degré d’importance.
On distingue deux grandes étiologies du bruxisme : celle liée à une altération de l’occlusion et celle résultant d’une manifestation psychosomatique: Altération de l’occlusion et bruxisme:
Les dents maxillaires et mandibulaires doivent théoriquement entrer en contact de manière précise et ceci sans aucune difficulté. Cependant, dans certaines circonstances, ces contacts peuvent ne pas s’établir facilement et, sous certaines conditions le plus souvent psychologiques, le patient sent que ses dents le « gênent ». Le patient est conduit par réflexe à serrer, à grincer, à frotter ses dents pour user les dents qui perturbent cette occlusion. L’origine de ces mauvais contacts est multiple mais surtout l’importance des mauvais contacts n’est pas reliée à l’intensité du bruxisme.
Les traitements appropriés doivent être effectués avec beaucoup de prudence. Les traitements réversibles, tels que les gouttières, doivent être privilégiés. Les traitement irréversibles (meulages, prothèse, orthodontie) ne doivent être appliqués qu’après une analyse fine de l’occlusion en première intention.
Le bruxisme résultant d’une manifestation psychosomatique:
Le bruxisme nocturne (80% des cas) est d’origine centrale. Il est le résultat d’une manifestation psychosomatique liée au stress et échappe donc à la volonté du patient, ce qui explique la difficulté de traitement du phénomène.
Il n’existe pour l’heure aucun remède agissant sur la cause de ce bruxisme, il s’agira seulement pour le praticien d’en pallier les effets par : - la pose d’une gouttière (rôle protecteur) ; L’orthèse occlusale protège les structures dentaires permettant de rééquilibrer les forces dans l’axe des dents, préserve les articulations temporo-mandibulaires des surcharges et, éventuellement, limite les effets de contraction des muscles élévateurs. - la technique du Biofeedback (capteurs posés sur le visage du patient et reliés à un réveil : technique efficace mais dont les effets disparaissent à l’arrêt du traitement) ; - la relaxation ; - des traitements psychologiques.
A noter que les médicaments régulateurs du sommeil ne donnent pas de bons résultats.
La situation clinique du patient entre en ligne de compte pour orienter le choix du chirurgien- dentiste : l’âge, l’état général, l’état de la denture...
Ainsi, chez un adulte jeune bruxeur, en denture naturelle ne présentant ni édentement ni maladie ou déficit parodontal, la protection des dents peut être réalisée facilement par une orthèse de recouvrement occlusale thermoformée dont le rôle interceptif et le confort de port seront prépondérants. ( voire image ci-contre)
Il faut beaucoup d’information, quelquefois de la reconstruction dentaire et quasiment toujours de la protection, en sachant qu’en fonction de certains épisodes émotionnels, sociaux, comportementaux, même pour un bruxisme qui va sembler rentrer dans l’ordre, il peut y avoir des épisodes de réactivation.
La prise de conscience du bruxisme par le patient conditionne une grande partie de sa prise en charge. Ainsi, dès la première consultation, le praticien incitera celui-ci à repérer les moments de crispations, de serrements de dents.... La tenue d’un agenda est conseillée afin d'identifier les horaires de ces épisodes de bruxisme.
Dans le cas d’un patient âgé, dont le bruxisme aura entraîné des usures dentaires généralisées avec une perte de calage occlusal, l’utilisation d’une orthèse, tout à la fois rigide et facilement modifiable, permettra à la fois de protéger la denture et tester une dimension verticale thérapeutique.
De même, le choix du matériau peut être orienté par l’état général du patient avec l’éventualité de plus en plus fréquente de rencontrer des terrains allergiques à certains composants utilisés pour réaliser ces orthèses. Dans les cas sévères, une orthèse métallique avec « overlay » résistera plus longtemps et permettra, dans certains cas, de remplacer également les dents absentes tout comme une prothèse amovible.
La décision d’entreprendre un tel traitement est liée à la demande du patient contrarié par un handicap fonctionnel (destruction étendue, édentements associés, etc.) ou un préjudice esthétique (évidemment localisé aux dents antérieures mais impliquant les secteurs postérieurs). Quelles sont les questions que le praticien doit se poser pour apporter au patient la meilleure réponse à la situation qu’il présente ? D’abord, obtenir une adhésion totale au plan de traitement proposé et au pronostic qui devra évoquer tous les risques liés au caractère multifactoriel de l’étiologie du bruxisme. Ensuite, avoir bien évalué les bénéfices du traitement ainsi que les risques (échec à court terme, difficulté de bien gérer les facteurs occlusaux des traitements étendus) et les coûts en termes de mutilation dentaire supplémentaire, de temps passé et d’investissements pécuniaires. Enfin, s’assurer que le patient a bénéficié d’un délai de réflexion suffisant pour accepter la proposition de traitement ou d’abstention adaptée à sa situation.
Au total, si le chirurgien-dentiste apparaît directement impliqué dans la prise en charge du bruxisme, il est essentiel que les particularités de celui-ci soient mises en lumière afin de contenir les effets délétères de cette parafonction fréquente dont les principales victimes sont les dents.
En bref
Les demandes de consultation pour le bruxisme vont en s’accroissant. A côté des « grincements dentaires », relevant d’une étiologie précise et d’un traitement spécifique, les bruxismes liés au stress sont de loin les plus fréquents. S’ils doivent être pleinement être pris en considération, les traitements proposés par les chirurgiens-dentistes dentistes visent avant tout à en supprimer les conséquences. Ces traitements sont entrepris en relation avec les autres membres de l’équipe soignante pour la prise en charge de l’origine psychosomatique de cette pathologie.