L' halitose, plus couramment appelée mauvaise haleine est un "désagrément " fréquent, souvent vécu de façon honteuse. Son origine est buccale dans plus de 70 % des cas.Ce phénomène augmente avec l’âge et les hommes sont trois fois plus concernés que les femmes.
Sujet tabou, la mauvaise haleine peut devenir un véritable complexe, source de railleries et d’isolement familial et social. Elle affecte en effet les relations inter-individuelles et peut conduire certains patients, confrontés au rejet, à une autodépréciation voire à des épisodes dépressifs. L’importance que constitue cette gêne se manifeste même aujourd’hui par le développement de consultations spécialisées dans le traitement de la mauvaise haleine. Le chirurgien-dentiste est donc tout à fait habilité à en faire le diagnostic, proposer un traitement efficace et dans certains cas particuliers, adresser son patient à un confrère médecin.
Toutes les odeurs buccales ne sont pas mauvaises et seules celles qui caractérisent une mauvaise haleine correspondent à l'halitose. Encore faut-il faire la différence entre la personne qui croit avoir une mauvaise haleine (affection psychiatrique, trouble neurologique) et le sujet qui en est effectivement atteint. Le patient d'ailleurs n'en a pas toujours conscience, comme s'il s'y était habitué et c'est souvent après une remarque de son entourage qu'il vient demander de l'aide. Le praticien doit alors véritablement se pencher sur son patient auquel il demandera d'exhaler sans honte ! Il entreprendra alors une véritable enquête etiologique pour proposer une solution efficace.
Cette démarche aura pour but de déterminer si l'halitose a une origine buccale ou non. Les halitoses non buccales ont de multiples origines : Affections ORL (sinusite, amygdalite...), digestives (reflux gastro-œsophagien, trouble hépatique...), pulmonaires (abcès, tumeur...) rénales (urée...), endocrines (diabète, troubles menstruels...), métaboliques (déshydratation...), causes iatrogènes (psychotropes...), etc. - Citons les cas particuliers de l'oignon et de l'ail dont les composés volatils sont exhalés par les poumons et celui du tabac qui imprègne presque totalement le fumeur. Les halitoses buccales sont de loin les plus fréquentes.
Comment se produisent -elles ? De nombreuses bactéries, pas forcément pathogènes, présentes dans la cavité buccale vont dégrader des protéines (issues de l'alimentation, de la salive, des cellules buccales) en composés sulfurés volatils (CSV), vecteurs expressifs de l'halitose. D'autres composés malodorants sont aussi impliqués.
Qu'elles en sont les causes ? Un examen clinique et radiologique permet de distinguer : - une gingivite (inflammation des gencives), une parodontite (atteinte plus profonde des tissus parodontaux avec perte de l'os de soutien des dents) ; - les caries et les infections dentaires ;
- les restaurations inadaptées, défectueuses qui favorisent la rétention de débris alimentaires ;
- l'odeur émise par l'enduit lingual
- le sommeil Pendant le sommeil, les musculatures faciales et linguales sont au repos. L'absence de mastication et d'élocution, la réduction physiologique de la salivation et la stagnation des débris alimentaires et cellulaires concourent à déclencher la mauvaise haleine au réveil. Cette halitose transitoire disparaît après le petit-déjeuner et le brossage des dents.
-la sécheresse buccale (ou hyposialie) Cette hyposialie peut survenir après un long discours, en cas d'insuffisance de prise de boissons ou en cas de stress qui agit directement sur les sphincters des canaux salivaires. Elle est aussi observée dans le syndrome de Gougerot-Sjögren (avec une réduction des larmes) et en cas d'irradiation des glandes salivaires dans le traitement des cancers bucco-pharyngés.Enfin, une vingtaine de familles thérapeutiques, c'est-à-dire quelque 300 médicaments, peuvent induire une sècheresse buccale.
Diagnostic Du fait de l’origine buccale de ces mauvaises odeurs, le chirurgien-dentiste est l’un des principaux acteurs de leur détection et de leurs traitements.
Le diagnostic de l’halitose par le chirurgien-dentiste repose à la fois sur l’évaluation de l’état bucco- dentaire et la connaissance de son patient : habitudes alimentaires, hygiène bucco-dentaire quotidienne, facteurs de risque (tabac, alcool) , pathologies ...
Pour confirmer une halitose, le praticien dispose de plusieurs moyens. Le plus empirique et le plus subjectif consiste à évaluer directement l’haleine du patient en la respirant !
D’autres méthodes plus objectives et scientifiques sont à la disposition des chirurgiens-dentistes :
- la mesure organoleptique consiste à sentir l'air expiré par la bouche et le nez du patient par 2 examinateurs calibrés : un score entre 0 et 5 est donné.
- la chromatographie en phase gazeuse (analyse des gaz expirés). Elle permet de différencier les composés sulfurés volatils des autres composés volatiles. Elle est aussi complexe et onéreuse (utilisée pour la recherche essentiellement)
- l’halimètre est un appareil électronique portable qui permet de mesurer les composés sulfurés volatils. Seule cette dernière est utilisable en pratique de ville.
Le chirurgien-dentiste, s’il constate que l’halitose n’est pas d’origine buccale, peut réorienter son patient notamment vers le gastro-entérologue ou le pneumologue.
Compte-tenu du tabou que représente cette pathologie, une halitophobie peut se développer chez certaines personnes. Il s’agit d’une pseudo-halitose (aucun trouble de l’haleine objectif). Cette halitophobie se traduit souvent par un comportement d’hygiène extrême (brossage des dents, nettoyage de la langue à un rythme anormal), par l’utilisation fréquente de produits masquant la mauvaise haleine (chewing-gum, bain de bouche, spray) et par une attitude consistant à garder ses distances ou à mettre la main devant la bouche lors d’une conversation. Dans ce cas, le chirurgien- dentiste peut réorienter son patient vers une consultation psychologique.
Quelles solutions pour combattre l'halitose ? Tout d'abord dédramatiser, puis : - traiter les caries, changer les restaurations défectueuses, soigner les parodontopathies, éliminer le tartre au cabinet du chirurgien-dentiste ; - améliorer l'hygiène buccale en renforçant le brossage dentaire, en utilisant le fil dentaire, un hydropulseur, un gratte-langue en cas d'enduit lingual manifeste, une solution buccale anti-microbienne ; - prendre des mesures hygiéno-diététiques simples : modifier les habitudes alimentaires (ail, oignon, épices, alcool¼), réduire la consommation de tabac à défaut d'obtenir l'arrêt, s'hydrater, y compris au coucher pour réduire la mauvaise haleine du réveil.
Une fois le traitement mécanique réalisé, l’utilisation d’antiseptiques (sous forme de bains de bouche) permettra d’accélérer la disparition de l’halitose. La chlorhexidine est la molécule de référence pour combattre la prolifération des bactéries. Certaines huiles essentielles et le fluorure d’amine ont également démontré leur potentiel d’action.
S’il s’agit d’une halitose extra-orale, le patient sera adressé au spécialiste approprié (ORL, gastro- entérologue...).
En bref
L'halitose, ou mauvaise haleine, ne doit plus être considérée comme une tare honteuse et insoluble. Lutter contre cette gène ou ses conséquences sociales relève le plus souvent du chirurgien-dentiste. En effet dans plus de 70% des cas son origine est buccale.
Tout chirurgien-dentiste peut, après interrogatoire et examen précis, proposer à ses patients d'en traiter la cause dentaire, gingivale, prothétique... et d'y associer des mesures hygiéno-diététiques simples et efficaces.